Le cabinet obtient pour ses clients 50.000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance d’avoir recours à une intervention médicale de grossesse et du préjudice moral lié à l’impréparation au handicap de leur enfant, préjudices résultant du défaut de diagnostic échographique de malformation fœtale constitutif d’une faute médicale au sens de l’article 1382 du Code civil et de l’article L114-5 du Code de l’action sociale et des familles.
Tribunal de Grande Instance d’ANGOULEME, 1ère Chambre civile, 21 juin 2018, RG n°14/00384
Au cours de sa grossesse, Madame D. était suivie par le Docteur D., gynécologue obstétricien, lequel assurait l’intégralité du suivi de la future maman et effectuait 3 échographies à 12, 22 et 31 semaines d’aménorrhées.
A l’issue de chaque échographie, le Docteur D. concluait à l’absence de malformation fœtale et indiquait aux futurs parents lors de la troisième échographie que l’enfant serait de sexe masculin.
Les comptes rendus de chaque échographie portaient notamment mention de l’absence d’anomalie et précisaient que la vessie était de position et de volume normaux.
Toutefois, à la naissance de l’enfant, outre le fait qu’il ne s’agissait en réalité pas d’un garçon mais d’une fille, il apparaissait que l’enfant était atteint de graves lésions consécutives à une exstrophie vésicale, malformation complexe des voies urogénitales affectant notamment le fonctionnement de la vessie, pouvant grever à long terme le diagnostic vital et limitant considérablement le taux de fertilité.
Aussi, les parents assignaient l’obstétricien et son assureur devant le Tribunal de Grande Instance d’Angoulême afin de voir reconnaître la responsabilité du médecin et obtenir réparation de leurs préjudices.
En cours de procédure, les demandeurs sollicitaient une expertise médicale aux fins de déterminer notamment si le suivi obstétrical était ou non conforme à la bonne pratique et aux données acquises de la science médicale et si le Docteur D. avait commis une faute dans ledit suivi.
En date du 11 mai 2015, l’expert rendait son rapport, lequel concluait de façon pour le moins surprenante à l’absence de faute et de responsabilité du médecin.
L’expert considérait notamment que les examens échographiques effectués par le Docteur D. étaient attentifs, diligents et conformes aux bonnes pratiques obstétricales de sorte qu’aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre.
Il précisait par ailleurs que le taux de diagnostic par échographie de l’exstrophie vésicale était extrêmement faible, de l’ordre de 8%, tout en soulignant que ladite pathologie pouvait être dépistée en anténatal.
Dans le cadre de dires adressés à l’expert, nous soulevions un certain nombre d’observations destinées à critiquer les conclusions de son rapport.
En effet, il apparaissait parfaitement incompréhensible de conclure à l’absence de faute du médecin dans le suivi obstétrical alors même que ce dernier avait affirmé à 3 reprises et sans le moindre doute avoir visualisé parfaitement un organe, la vessie, dont l’enfant été pourtant dépourvu.
Par ailleurs, les statistiques retenues par l’expert quant au taux de diagnostic de l’exstrophie vésicale apparaissaient largement sous-évaluées. En effet, d’autres études relevaient, entre 2003 et 2009, période au cours de laquelle les échographies étaient effectuées, un taux de diagnostic de 33% et donc bien supérieur au taux de 8% retenu par l’expert.
Le Tribunal de Grande Instance d’Angoulême décidait in fine, chose rare dans ce type de dossier, d’aller à l’encontre des conclusions de l’expert et ainsi, faire droit à notre analyse du dossier et retenir la faute médicale.
La juridiction soulignait que le Docteur D. avait, sans restriction ni doute possible, indiqué de manière erronée que la vessie était visible, lors des trois échographies, et que l’erreur liée à une visualisation erronée de la vessie a conduit à l’absence de diagnostic, identification erronée constitutive d’une faute caractérisée au sens de l’article L114-5 du code de la santé publique.
Et d’ajouter que malgré le caractère curable d’une exstrophie vésicale, son diagnostic reste une indication potentielle d’interruption médicale de grossesse du fait de la gravité de cette affection, des multiples opérations qui sont nécessaires à sa cure et du fait des pronostics incertains au niveau rénal, vésical, sexuel et obstétrical avec de grosses implications néfastes au niveau psychologique et social.
Et de conclure qu’il est incontestable que les parents ont été privés de la chance d’avoir recours à une interruption médicale de grossesse, préjudice qu’il convient de réparer à hauteur de 20000 euros. Par ailleurs, la situation difficile vécue par les parents du fait du handicap de leur fille, la nécessité récurrente de soins de plus en plus stressants et le fait que le couple a été mis à mal par cette épreuve justifie que soit allouée la somme de 30.000 euros au titre du préjudice moral né de l’impréparation au handicap de leur enfant.
La partie adverse a décidé de ne pas interjeter appel et de s’exécuter volontairement.
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